Je voudrais ici témoigner brièvement du merveilleux médecin qu’était Corinne. J’adresse ce message à ses enfants et aux membres de sa famille qui n’étant pas médecins n’ont pas connu tout ce qu’elle a apporté à ses malades ou n’ont connu que le revers de la médaille.
Elle a intégré l’équipe angéiologique de mon service de chirurgie vasculaire au CHU Henri-Mondor vers 1980. J’ai bénéficié de sa collaboration durant plus de deux décennies. Cette équipe avait pour missions principales de faire le diagnostic le plus précis possible chez les malades artériels pour guider les indications et les actes opératoires et d’assurer la surveillance des opérés pour permettre de traiter préventivement les dégradations avant qu’elles n’entraînent des complications et d’assurer un contrôle de qualité destiné à ajuster les indications opératoires aux résultats réellement obtenus. Son activité était aussi orientée vers le traitement des varices que Corinne exerçait davantage durant son activité privée qui accaparait la majeure partie de son temps.
Il y a de nombreuses sortes de médecins. Les meilleurs se distinguent par la compétence technique dans un métier en perpétuelle innovation, l’attention aux malades sans laquelle on tombe facilement dans des erreurs diagnostiques, et le réconfort pour rassurer et parfois consoler. Corinne réunissait ces trois qualités, ce qui malheureusement n’est pas fréquent. Elle pratiquait les explorations échographiques avec une vigilance et une compétence dignes des meilleurs détectives. Elle devait cette dernière à un effort de formation permanent dans les congrès, les contacts individuels et la fréquentation des réunions des meilleurs services. Elle ne concevait son métier que dans la perfection. Elle écoutait chaque patient avec son regard attentif et chaleureux et s’efforçait de trouver la juste parole pour informer sans inquiéter. Son esprit de recherche perpétuellement en éveil la conduisait à poser de nombreuses questions qui étaient autant de stimulants pour toute l’équipe chirurgicale.
Elle était unanimement appréciée par tous les malades, légers ou graves, jeunes ou vieux, ouverts ou renfrognés, mais aussi par les chirurgiens.
Ces qualités ont fait qu’elle est rapidement devenue une excellente amie. Inutile de dire ici son art des relations, sa façon de poser des questions qui permettaient à chacun d’exprimer le meilleur de lui-même, sa passion lorsqu’elle défendait son point de vue, sa gaieté qui semait l’optimisme dans toutes les situations. Elle avait de plus cette franchise doublée de respect des autres qui lui permettait de dire ce qu’elle pensait à ses amis de toutes opinions et de tous milieux. Avec son Philippe, elle faisait de chaque réception à Nogent ou à Ouistreham un festin de discussions animées, de saveurs inattendues et de bonheur. Et c’était aussi un plaisir de les recevoir. Malheureusement le temps ne lui a pas permis de nous visiter en Vaucluse, comme il ne lui a pas permis de voir grandir ses petits-enfants dont elle parlait toujours avec amour et enthousiasme.
Ayant eu le privilège de déjeuner chez Philippe et elle, quelques semaines avant son départ, lors d’une très brève sortie entre deux hospitalisations, Gaëlle et moi gardons le souvenir de sa gentillesse, de sa sérénité toute chrétienne devant l’incertitude du lendemain, de son appétit de la vie et de sa manière de déguster sur sa terrasse, ce qui fut son dernier printemps.
Corinne, ton départ laisse un grand vide. Mais nous nous retrouverons avec joie… bientôt.
Didier, en relisant votre temoignage ce matin, je me souviens du désarroi de Corinne lorsqu'elle a été "reçue-collée" au concours...puis repêchée! Quel gachis cela aurait été!
Et je peux témoigner que son implication dans toutes les possibilités de formation et d'échanges correspondait à son objectif déterminé d'être une "bonne praticienne" en suivant les préceptes de notre papa.
Merci pour votre magnifique hommage.
Merci pour ce beau témoignage. J'ai lu il y a quelques années un beau livre, la succession de Dubois, qui raconte l'histoire d'un fils qui découvre combien son père médecin, honni car absent, avait été une belle personne dans le témoignage de ses patients. J'ai pu avoir l'expérience d'une mère qui adorait son métier, y consacrait sa vie et qui, pourtant a toujours été là, pour moi et mes enfants. Une énergie hors du commun. Et un modèle qui a ancré définitivement en moi, comme un simple acquis, la place de l'alter-ego féminin dans ma vie professionnelle.